Controverses cliniques, diagnostiques et thérapeutiques sur les piroplasmoses équines

Auteurs
Résumé
La France est un pays endémique pour les piroplasmoses équines, avec un gradient de densité croissant du nord-est au sud-ouest du pays. Les enquêtes de prévalence sérologique et par PCR montrent que Theileria equi est le piroplasme majoritairement impliqué, par rapport à Babesia caballi, et que les co-infections demeurent rares. L’élimination spontanée (sans traitement médicamenteux) de B. caballi est possible. Dans les zones endémiques, à contrario, les chevaux sont régulièrement exposés aux piqûres de tiques et la maladie est le plus souvent subclinique ou asymptomatique. Il existe 3 formes de piroplasmose équine, asymptomatique, chronique et subclinique, ou clinique aigüe et suraigüe, qui dépendent de l’exposition de l’équidé aux tiques et aux piroplasmes (donc de la charge infestante), du statut immunitaire de l’animal et éventuellement du génotype du piroplasme. Les signes cliniques et paracliniques associés aux différentes formes ne sont pas spécifiques, et parfois très frustres, ce qui entraine une difficulté diagnostique. Les formes aigües sont prédominantes en zone non-endémique, mais restent possibles en zone endémique. Les formes aigües à suraigües sont rencontrées principalement chez les équidés n’ayant jamais été en contact avec un piroplasme, avec des facteurs d’immunocompétence individuels et de charge infestante qui rentrent également en ligne de compte. Enfin, les formes subcliniques et asymptomatiques sont dominantes en région endémique. Pour les vétérinaires sensibilisés à la problématique d’endémicité, les suspicions cliniques de piroplasmose et l ’interprétation des tests PCR sont surestimées (pour T. equi principalement), et engendrent des traitements non justifiés et inutiles à l’imidocarbe. Les équidés présentant de l’hyperthermie et/ ou un ictère pour lesquels un diagnostic de laboratoire (PCR piroplamose) est mis en oeuvre sont souvent traités à l’imidocarbe avant l’obtention des résultats quelques jours plus tard, quand bien même leur état clinique ne le justifie pas. L’accès aux tests de laboratoire dits rapides peut apporter un bénéfice quant à la prise de décision thérapeutique. Contrairement à ce qui avait été décrit précédemment, il semble que chez les équidés présentant des signes cliniques compatibles avec une piroplasmose équine, la visualisation directe des hémopathogènes dans les érythrocytes est possible grâce à une lecture attentive du frottis sanguin. L’étalement sanguin est donc un outil de diagnostic immédiat utile auquel le praticien peut avoir recours en parallèle des tests de biologie moléculaire. Après une exposition aux piroplasmes/ infection, l’amplitude de la production d’anticorps spécifiques et leur durée de vie restent variables et peu connus, mais les anticorps persistent pendant plusieurs mois à années. Les tests sérologiques sont très divers en termes de techniques et d’antigènes utilisés, ce qui influence donc leurs spécificités et leurs sensibilités. Ces techniques ne sont pas conseillées en première ligne pour obtenir un diagnostic individuel. Si un équidé vivant en zone endémique présente un taux d’anticorps très élevé concomitamment à des signes cli- protecniques compatibles avec la piroplasmose, alors la suspicion clinique augmente. C’est finalement l’intégration des données épidémiologiques locales, cliniques et prédispositions individuelles, des modifications hémato-biochimiques, et du résultat de PCR sanguine qui constitue une approche raisonnée pour établir un index de suspicion clinique plus objectif, et décider de la pertinence d’un traitement piroplasmicide. Les molécules utilisées en France pour le traitement des piroplasmoses équines sont l’imidocarbe, molécule de premier choix, et les tétracyclines. En l’absence de signes cliniques, le traitement ne doit pas être mis en oeuvre en zone endémique. Chaque traitement doit se raisonner en termes de balance bénéfices-risques, car les effets secondaires potentiels sont parfois sévères. Les preuves scientifiques de l’efficacité des tétracyclines sur les piroplasmes sont faibles, et l’usage de cette famille d’antimicrobiens est plutôt réservé non pas aux piroplasmoses mais à l’anaplasmose, ou à la leptospirose. Les effets cliniques bénéfiques décrits sporadiquement chez des équidés à fièvre « isolée » sont à mettre en relation avec les effets anti-inflammatoires, antioxydants et immunomodulateurs non spécifiques. Il est important d’avoir identifié le piroplasme responsable des signes cliniques observés pour adapter le protocole thérapeutique à l’imidocarbe. Les signes cliniques s’atténuent ou disparaissent dès la première administration d’imidocarbe. La seconde injection est requise si les signes cliniques persistent et/ou que l’animal doit/ peut être « stérilisé » du parasite. En l’absence de données scientifiques fiables pour la stérilisation des équidés in vivo, la répétition des traitements à l’imidocarbe pour T. equi est contestable, particulièrement en région endémique. Bien souvent, ce sont des comorbidités qui sont responsables de la persistance de l’hyperthermie/fièvre, ou autres signes peu spécifiques. Chaque décision thérapeutique doit donc impérativement s’appuyer sur un examen clinique minutieux et systématique, et sur une démarche d’exclusion de la piroplasmose / confirmation d’une infection d’une autre nature ou d’un phénomène inflammatoire.
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Bulletin n°109 Page 17
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